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Avant-propos
Les
textes qui suivent sont recopiés de l'encyclopédie Universelle
de Dupiney de Vorepierre de 1881.
Ils disent avec les mots de leur temps, l'état de l'opinion des
plus grands esprits représentatifs de la pensée en France sur tous les
aspects du savoir à la fin du 19° siècle. Les noms les plus connus
parmi cent, illustrent cet ouvrage à côté d'autres: Ampère, Arago,
Cousin, Cuvier, Faraday, Foucault, Jussieu, Le Verrier, St-Hilaire;
Violet le Duc...Ces articles montrent au-delà des polémiques vaines et
anachroniques, que des hommes représentatifs de leur temps ont eu un
regard humaniste sur ce qui est une grande honte de toutes les
sociétés humaines.
-- La nuit du 4 août 1789 est la plus grande date de l'histoire de
France ; peut-être de l'humanité. En une nuit, des hommes de bonne
volonté ont renoncé à des privilèges les pluis inouis dont les
fondements remontaient à la nuit des temps ; cela ne s'était vu nulle
part. L'abolition de l'esclavage est pour l'humanité un principe qui
rend légitime toute opposition à la servitude sous quelque forme que
ce soit en quelque lieu du monde. Mais ce n'est pas par la révolte ou
les armes que l'humanisme progresse. C'est par la parole forte, la
conviction partagée qu'un jour, une poignée d'hommes décident que les
choses doivent changer. Aussitôt, ce qui était apparu comme une
montagne ou une forteresse immuable s'écroule dans la ruine d'une
dictature ou d'une pensée dominante. La volonté de quelques uns est
plus forte que les armes.
Au commencement du XV°
siècle, au moment où les serfs commençaient à disparaître, rien ne
pouvait faire supposer que ce honteux événement s'accomplirait
dans le monde chrétien. C'est pourtant ce qui eut lieu, et il est à
remarquer que ce honteux événement s'accomplit dans des pays qui se
piquaient d'observer avec le plus de ferveur les enseignements du Christ.
Les musulmans chassés de l'Espagne après la bataille de Ceuta, en
1415, allèrent chercher asile dans les différentes parties de l'Afrique.
Les Portugais les y poursuivirent jusque sur les côtes d'Arguin (en
Mauritanie), et, en 1440, ils en amenèrent quelques uns à Lisbonne,
où ils les réduisirent en servitude.
L'appât du gain tenta les
aventuriers, et d'autres enlèvements eurent lieu. Les parents de ces
pauvres prisonniers, ne pouvant les racheter, offrirent en 1442, de les
échanger contre des esclaves nègres, et de cet échange, naquit
l'infâme trafic qu'on a depuis appelé la Traite des noirs.
Les
Espagnols, les Anglais suivirent bientôt l'exemple des Portugais, et,
en quelques années, tout le littoral de l'Afrique, depuis l'embouchure
du Sénégal jusqu'à l'extrémité de l'Angola, devint un immense
marché d'esclaves pour la plupart des nations européennes. Toutefois,
dès 1462, la papauté essaya de s'opposer à ce honteux commerce, mais
ses efforts furent impuissants.
La découverte du nouveau monde ouvrit
un immense débouché à la traite.
Dès 1502, les Espagnols
transportèrent des cargaison de nègres aux Antilles pour remplacer la
population indigène que leurs mauvais traitements avaient presque
complètement anéantie, et peu à peu, ils étendirent le même
système à leurs autres colonies d'Amérique. Dans le principe, le
commerce des nègres avait été simplement toléré; mais en 1517,
Charles Quint le consacra officiellement en accordant à un seigneur
flamand le privilège de transporter 4000 noirs dans les grandes
Antilles.
A la fin du 16° siècle, la traite était organisée sur la
plus vaste échelle. Tous les états européens qui possédaient des
colonies en Amérique, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande, le
Portugal, la France, se livrèrent avec ardeur à ce commerce
abominable, qu'encourageaient d'ailleurs les gouvernements respectifs de
ces pays. Ainsi, par exemple, chez nous, on accordait des primes aux
négriers, et ces primes s'élevaient chaque année à deux millions de
livres en moyenne.
Les ports principaux de l'Europe et de l'Amérique
expédiaient incessamment des navires fins voiliers qui se
rendaient sur les côtes d'Afrique pour y chercher des cargaisons
d'esclaves. ils se procuraient ces malheureux, tantôt au moyen de
descente à mains armées, tantôt, et ce système finit par prévaloir,
en vertu de traités avec les petits souverains du pays qui vendaient
leurs prisonniers de guerre, souvent même leurs sujets et leurs
parents, pour quelques objets de rebut ou des barils de mauvaises
liqueurs alcooliques. On n'évalue pas à moins de 100 000 le
nombre des Africains qui allaient chaque année en Amérique combler le
déficit que causaient l'influence du mauvais climat et les mauvais
traitements des maîtres.
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