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 Document: le voile islamique comme un enfermement                                                        retour                                                
Chahdortt Djavan          
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       On a beau en dire beaucoup, mais on n'en dira jamais assez sur la condition qui est faite aux femmes comme si dans toutes les sociétés elles avaient à payer plus cher que les hommes le fait d'exister. Dans un petit nombre de pays, cet état des choses est dénoncé, pris en compte; chaque jour une petite avancée peut être constatée. Les femmes peuvent parler haut même si leur parole est mal écoutée et mal comprise. Il faut parfois un fait divers un peu moins divers que les autres, pour que pendant un certain temps les opinions partout où elles existent, s'expriment sur le sujet et en débattent. Malheureusement, dans beaucoup de pays, les brimades, insultes, mépris de la condition féminine sont dans les institutions et pétris avec les traditions ancestrales les plus archaïques qu'on veut conserver à tout prix. La femme est objet. Elle est incapable juridique. Elle est la propriété d'un homme qui a droit de vie et de mort sur elle. Elle ne peut pas disposer de son corps qui est surveillé, réglementé avec un mode d'emploi rigoureux à l'usage d'un homme. On n'a pas le droit de dire que toutes les cultures ne se valent pas; que certaines traditions sont méprisables et criminelles ? Alors il est dans l'ordre des choses pour certains que la condition misérable des femmes ne soit jamais changée. Elles ont été créées pour l'usage, la servitude et pour le plaisir des hommes. Une femme révoltée prend la parole parfois et nous force à l'écoute. Elle décrit une situation qu'elle a vécue, qui la marque encore, et donne une belle leçon de civilisation, de citoyenneté et de dignité humaine à beaucoup de sectaires qui se drapent dans un humanisme dévoyé pour exclure les femmes de la société pensante, libre et agissante.
Comme une invitation à acheter ce livre et à le lire, nous donnons ici un extrait qui interpelle tous ceux qui pensent avoir une idée sur ce qui se passe sous le voile.

      Bas les voiles! est publié par Chahdortt Djavan  aux éditions Gallimard ISBN 2-07-073534-6.
Dans ce petit livre, l'auteure fait la leçon à tous ceux qui la méritent: les sectaires de la religion, les mâles qui considèrent les femmes comme leur cheptel, les innocentes naïves, qui s'offrent au sacrifice du voile, et les institutions qui abandonnent les femmes orientales et orientalisées à la triste condition qu'on continue à leur faire sur le territoire de la République.

"Ceux qui sont nés dans les pays démocratiques ne peuvent pas savoir à quel point les droits qui leur paraissent tout naturels sont inimaginables pour d'autres qui vivent dans les théocraties islamiques. J'aurais mérité, comme tout être humain, d'être née dans un pays démocratique, je n'ai pas eu cette chance, alors je suis née révoltée. Mais qu'est-ce que c'est que porter le voile, habiter un corps voilé ? Que signifie être condamnée à l'enfermement dans un corps voilé puisque féminin ? Qui a le droit d'en parler ? J'avais treize ans quand la loi islamique s'est imposée en Iran sous la férule de Khomeyni rentré de France avec la bénédiction de beaucoup d'intellectuels français. Une fois encore, ces derniers avaient décidé pour les autres de ce que devaient être leur liberté et leur avenir. Une fois encore, ils s'étaient répandus en leçons de morale et en conseils politiques. Une fois encore, ils n'avaient rien vu venir, ils n'avaient rien compris. Une fois encore, ils avaient tout oublié et, forts de leurs erreurs passées, s'apprêtaient à observer impunément les épreuves subies par les autres, à souffrir par procuration, quitte à opérer, le moment venu, quelques révisions déchirantes qui n'entameraient toutefois ni leur bonne conscience ni leur superbe. Certains intellectuels français parlent volontiers à la place des autres. Et aujourd'hui voilà qu'ils parlent à la place de celles qu'on n'entend pas - la place que tout autre qu'elles devrait avoir la décence de ne pas essayer d'occuper. Car ils continuent, ils signent, ils pétitionnent, ces intellectuels. Ils parlent de l'école, où ils n'ont pas mis les pieds depuis longtemps, des banlieues où ils n'ont jamais mis les pieds, ils parlent du voile sous lequel ils n'ont jamais vécu. Ils décident des stratégies et des tactiques, oubliant que celles dont ils parlent existent, vivent en France, pays de droit, et ne sont pas un sujet de dissertation, un produit de synthèse pour exposé en trois parties. Cesseront-ils jamais de paver de bonnes intentions l'enfer des autres, prêts à tout pour avoir leur nom en bas d'un article de journal ? Peuvent-ils me répondre, ces intellectuels ? Pourquoi voile-t-on les filles, seulement les filles, les adolescentes de seize ans, de quatorze ans, les fillettes de douze ans, de dix ans, de neuf ans, de sept ans ? Pourquoi cache-t-on leur corps, leur chevelure ? Que signifie réellement voiler les filles? Qu'est-ce qu'on essaie de leur inculquer, d'instiller en elles? Car au départ elles n'ont pas choisi d'être voilées. On les a voilées. Et comment vit-on, habite-t-on un corps d'adolescente voilée ? Après tout, pourquoi ne voile-t-on pas les garçons musulmans? Leur corps, leur chevelure ne peuvent-ils pas susciter le désir des filles ? Mais les filles ne sont pas faites pour avoir du désir, dans l'islam, seulement pour être l'objet du désir des hommes. Ne cache-t-on pas ce dont on a honte ? Nos défauts, nos faiblesses, nos insuffisances, nos carences, nos frustrations, nos anomalies, nos impuissances, nos bassesses, nos défaillances, nos erreurs, nos infériorités, nos médiocrités, nos veuleries, nos vulnérabilités, nos fautes, nos fraudes, nos délits, nos culpabilités, nos vols, nos viols, nos péchés, nos crimes ? Chez les musulmans, une fille, dès sa naissance, est une honte à dissimuler puisqu'elle n'est pas un enfant mâle, déjà qu'en Europe, la cause de la mort d'un jeune sur 10 est le fait d'un suicide."