Exposé de Maître ODYA KALINDA à l’occasion de la
journée de vulgarisation des lois sur les violences
sexuelles organisée par le Réseau des Femmes
africaines Ministres et Parlementaires (REFAMP/Section
RDC)
à Goma le 17 janvier 2007, peu avant sa nomination en qualité de
Vice-Ministre de la Justice en République Démocratique
du Congo.
Thème : PRESENTATION DE LA SYNTHESE DES LOIS SUR LES
VIOLENCES SEXUELLES
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Nous vous remercions de la parole nous accordée et du
choix que le Réseau des Femmes Africaines Ministres et
Parlementaires (REFAMP/Section RDC) a porté sur notre
modeste personne pour exposer sur la synthèse des lois
sur les violences sexuelles.
Notre premier sentiment lorsque nous avons été
contactée, c’était de nous poser la question de savoir
quels commentaires allions nous faire, surtout que ces
assises sont constituées pour la plupart des acteurs
des associations impliquées dans la lutte contre les
violences sexuelles et/ou dans la défense et la
promotion des droits de la femme dans la province du
Nord Kivu, une province où des actes ignobles se sont
commis et continuent à se commettre.
----------- Odya
Kalinda au cours de son exposé
En ce qui
concerne les lois relatives aux violence sexuelles
dans notre pays, il sied de rappeler que jusque le 20
juillet 2006, le texte en vigueur n’était que le code
pénal livre Il, qui réprimait certaines infraction
notamment :
- Celles portant atteinte à la moralité sexuelle (Le
viol, l’attentat à la pudeur).
- Les outrages (l’outrage public à la pudeur,
l’outrage aux bonnes moeurs).
- Les actes immoraux stimulant les passions d’autrui
(l’excitation des mineurs à la débauche).
- Le proxénétisme (l’entraînement, l’embauchage et le
détournement en vue de la débauche ou de la
prostitution…).
Mais, il a été constaté que la protection du code
pénal congolais livre II s’est manifestée insuffisante
suite à un passé récent fait des guerres et des
violations systématiques des droits de l’homme et du
droit International humanitaire.
Ces guerres ont quelque chose d’horriblement
particulier, c’est que les violences sexuelles n’en
ont pas été que des conséquences, mais en ont constitué l’une des armes privilégiées par les
protagonistes.
Les conséquences de ces violences sont incalculables :
Que des foyer disloqués, que des personnes
traumatisées, rejetées etc.
L’importance du renforcement de la législation n’est
plus à démontrer, car, aujourd’hui encore, plus que
jamais, il est important de prévenir ces violences
sexuelles qui, si on n’y prend garde, risquent de
s’encrer dans les mentalités.
Pour cela, le constituant, dans la nouvelle
constitution dispose à l’article 15 :
« Les pouvoirs
publics veillent à l’élimination des violence
sexuelles.
Sans préjudice des traités et accords internationaux,
toute violence sexuelle faite sur toute personne dans
l’intention de déstabiliser, de disloquer une famille
et de faire disparaître tout un peuple est érigé en
crime contre l’humanité puni par la loi».
Ainsi, tout individu qui larguerait des personnes
séropositives en vue de la contamination massive de la
population serait coupable d’un crime contre
l’humanité aux termes de l’article 15 de la
constitution.
Par ailleurs, la République Démocratique du Congo ne
s’est pas arrêtée à la protection constitutionnelle
des personnes victimes des violences sexuelles. Le
législateur a aussi procédé à la modification du code
pénal par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006 modifiant
et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant
code pénal Congolais et la loi N°06/019 du 20 juillet
2006 modifiant et complétant le décret du 06 Août 1959
portant code de procédure pénale Congolais.
En ce qui concerne la loi N°06/018 du 20 juillet 2006
modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940
portant code pénal Congolais, l’article 1er supprime
les causes d’exonération et de justification en
matière des violences sexuelles.
La qualité officielle de l’auteur d’une infraction
renforce la participation criminelle en ce qu’en
matière des violences sexuelles, l’ordre hiérarchique
ou le commandement d’une autorité légitime civile ou
militaire n’exonère pas l’auteur d’une infraction.
Ici, je donne un exemple :
Des militaires qui se
trouvent dans une zone sous le commandement d’une
autorité hiérarchique militaire qui donne l’ordre à
ses hommes de violer des femmes, ceux –ci sont
coupables et ne peuvent pas invoquer qu’ils ont reçu
l’ordre de la hiérarchie.
Pour les infractions en violences sexuelles :
- l’attentat à la pudeur est renforcé en ce que l’âge
de l’enfant passe de 14 à 18 ans ; ensuite, si
l’attentat a été commis sur les personnes ou à l’aide
des personnes âgées de moins de dix ans, la peine sera
de 5 à 20 ans .
- concernant l’infraction de viol, des grandes
innovations ont été introduites par la loi en ce que
l’article 170 du code pénal livre II a été
systématiquement modifié.
Ainsi, alors que l’ancien
article 170 du code pénal livre II ne définissait pas
l’infraction de viol et que sous son régime, le viol
était défini par la doctrine et la jurisprudence comme
étant la conjonction sexuelle que l’homme peut imposer
à la femme par la violence. Cet article est modifié
comme suit :
1. Sous le régime de l’ancien article 170, seul
l’homme pouvait être auteur d’un viol, alors que sous
le régime de la modification, même la femme peut être
poursuivie pour viol .
2. Alors que sous le régime de l’ancien article 170,
le viol n’était établi que lorsque l’homme
introduisant son pénis dans le vagin de la femme, sous
le régime de l’innovation, le viol est établi dès lors
que l’homme introduit son pénis dans n’importe quel
orifice du corps de la femme. Il peut s’agir du vagin,
de la bouche ou même de l’anus.
3. Sous le régime de l’ancien article 170, seul
l’introduction de l’organe viril du corps de l’homme
était susceptible de viol, alors que sous le régime de
l’innovation, même l’introduction d’un objet ne
faisant pas partie du corps de l’homme dans le vagin
de la femme est constitutif de l’infraction de viol .
4. Sous le régime de l’innovation la peine de mort est
supprimée lorsque le viol est aggravé par la mort de
la victime
5. Le législateur a alourdi la peine en doublant le
minimum légal de la sanction de viol commis par une
personne ayant une relation particulière avec la
victime tel que prévu à l’article 171 bis du code
pénal congolais II, ou lorsque le viol a causé une
altération de la santé .
6. En cela, le législateur a encore innové en
prévoyant aussi comme circonstances aggravantes :
- A. Si le viol a été commis sur des personnes captives
de leurs gardiens.
- B. Si le viol est commis en public.
- C. Si le viol a laissé des séquelles physiques et /
ou psychiques graves .
- D. S’il est commis sur une personne vivant avec
handicap
- E. Si le viol a été commis avec usage ou menace d’une
arme.
Ensuite, la loi oblige le juge à prononcer
automatiquement la déchéance de l’autorité parentale
ou tutélaire si l’infraction a été commise par un
ascendant ou si l’auteur est de la catégorie de ceux
qui ont l’autorité sur la victime.
En ce qui concerne l’infraction de proxénétisme, l’âge
retenu pour la personne embauchée est passé de 21 ans
à 18 ans.
La loi punit aussi désormais, la diffusion publique
d’un film pornographique aux enfants de moins de 18
ans et la personne qui fait passer à la télévision des
danses ou tenues obscènes, attentatoires aux bonnes mœurs. La loi innove aussi en ce qu’elle punit la prostitution
forcée, elle punit également la personne qui exerce
une pression psychologique sur une personne en vue
d’obtenir des faveurs sexuelles ou l’infraction de
harcèlement sexuel.
La loi innove également en punissant l’abus de pouvoir
pour obtenir des faveurs de nature sexuelle.
D’autre formes des violences sexuelles sont également
prévues et punies par la loi :
C’est le cas du mariage
forcé, de la mutilation sexuelle, du trafic et de
l’exploitation des enfants à des fins sexuelles, de la
grossesse forcée, de la pornographie mettant en scène
des enfants, et enfin, de la prostitution d’enfant.
Partant de l’analyse ci-haut faite, il apparaît
clairement que le législateur congolais a apporté une
réaction appropriée à la mentalité de violence
sexuelle créée par la situation de guerre et autres
crises que la République Démocratique du Congo a
connu.
Le bannissement dans la constitution des violences
sexuelles ainsi que les innovations apportées au code
pénal sont des instruments nécessaires pour arrêter l’un
des plus grands phénomènes qui pourraient entraîner
notre société à la décadence.
Mais, il est important d’indiquer qu’entre les
déclarations d’intentions et la volonté politique
d’agir existe une marge. Le souhait exprimé par le
constituant et le législateur ne peut être réalisé que
si cette marge est comblée en fonction de l’apport et
de la détermination de chaque membre de la société, et
particulièrement, des personnes qui pour la plupart
des cas des violences sexuelles se trouvent être
victimes, à savoir, les femmes.
J’ai dit et vous remercie
Maître ODYA KILINDA
Me ODYA KALINDA
Présidente /Droits de la Femme et Internet en RDC.
( DFNET) à Goma le 17 janvier 2007