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Disons
pour commencer, qu'il ne faut pas s'étonner
de trouver dans la même rubrique, l'esclavage et les conditions
de travail.
Le 1° mai n'est qu'une étape symbolique qui a démarqué
l'ouvrier de sa condition d'esclave. On reste dans le même
champ de celui qui travaille pour un autre dans une relation
non solidaire et partagée.
Cette année et chaque année, le premier mai a perdu sa signification première. Aujourd'hui les travailleurs du monde entier
vont saisir
l'occasion de cette journée qui leur est reconnue et qu'ils ont
conquise pour manifester tous leurs mécontentements contre la
politique de leurs gouvernements et leurs incertitudes de
l'avenir. Si partout les revendications sont souvent plus
politiques que sociales, c'est parce que les travailleurs se
rendent bien compte que le nouvel ordre économique est axé sur
un "libéralisme" du laisser-faire, sans règles qui a
des conséquences directes sur le social. Des salariés de plus
en plus nombreux ne peuvent pas vivre dignement avec les
salaires pratiqués dans des emplois précaires à durée
déterminée. Quand il y a une diminution du chômage, les
emplois proposés ne permettent pas au travailleur tout
simplement de vivre, c'est à dire se nourrir, se loger, fonder
une famille et assurer l'éducation de ses enfants. Dans
les pays occidentaux considérés comme "riches", de
plus en plus d'entreprises se délocalisent et offrent
cyniquement à leurs employés un déplacement vers une
succursale lointaine avec un salaire équivalent au dixième des
minima sociaux. Le bon employé désormais est celui qui est à
la disposition de l'entreprise, disponible et migrant. Il ne
peut plus avoir de lieu, aucune attache, pas de
résidence. A tout moment il doit laisser domicile, femme, mari et
enfants s'il a une famille, pour aller dans quelque pays exotique
à bas salaire. Il n'est pas étonnant que les entreprises
écartent de leur recrutement tous les hommes et les femmes qui
sont en âge d'avoir déjà une famille. Chez les routiers, il
n'est déjà pas rare de voir le conducteur dans sa
cabine avec sa femme et un petit enfant. Il fait l'économie
d'un logement pour se suffire d'un salaire plus misérable. En allant plus loin, et
ce seuil sera vite atteint, les travailleurs sont considérés
comme des outils au service de la production. On revient à la
conception esclavagiste de l'ouvrier meuble dont on peut
disposer au gré de ses besoins comme s'il n'avait pas ses projets et ses propres motivations. Celui qui ne se plie
pas à ce nouvel ordre est un paresseux en état d'incapacité
sociale et civique. Ce nouvel ordre ne fait pas de différence
entre l'ouvrier à la tâche et le cadre qui dirige une équipe
ou une unité de production. Les cadres de tout niveau sont de
plus en plus associés à la situation dégradée de la
condition salariale.
La priorité étant le rendement
même à court terme pour le capital investi, aucune idéologie
ne s'oppose plus à la doctrine dominante. Le paradis du moment
est la Chine: Dans ce pays, on a la féodalité, un communisme
spécifique, et le capitalisme dans le même chaudron; cela ne
dérange personne. Nous sommes maintenant à la fin de la
première étape: on vend ce qui se conçoit en occident et qui
est produit en Chine. A la deuxième étape, on vendra ce qui
est conçu et produit en Chine. A la troisième étape, la Chine
aura les réseaux de distribution mondiaux et l'encadrement pour mener
ses propres affaires. Pendant ce temps, d'autres dragons sortent
de leur assoupissement et relèvent la tête.
Heureusement, il est difficile de prévoir l'avenir. L'avenir
sera ce que les hommes en feront. Il n'y a pas un point de
non-retour. En tout cas, pendant des siècles, rien n'a été
fait pour le partage de la connaissance et des richesses. La
digue se brise et la vague atteindra durablement les pays
riches. Les générations futures auront à reconstruire une
société nouvelle. Toutes ces inquiétudes seront de plus en
plus dans les manifestations du 1° mai.
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