Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, distingués
invités.
C'est pour moi un grand honneur d'avoir été invitée
par la coalition nationale pour la Cour Pénale
Internationale à l’activité de ce jour.
Il m'a été demandé de faire une présentation générale
du projet de loi d'application du statut de la Cour
Pénale Internationale.
A cet effet, il est important de présenter
préalablement la nécessité de ladite loi et de
terminer par son application dans l'espace et dans le
temps.
En ce qui concerne la nécessité de cette loi, il
convient de préciser d'abord que le statut de la Cour
Pénale Internationale a été ratifié par la République
Démocratique du Congo aux termes du Décret-loi n°13 du
30 mars 2002.
Il s'agit donc d'un traité international
régi par l'article 215 de la Constitution qui dispose
que les traités et accords internationaux
régulièrement conclus ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois.
Il convient également de préciser que le Droit
congolais est de tradition moniste. Ce qui signifie
qu'une fois ratifiés, les traités et accords
internationaux sont automatiquement incorporés dans le
droit interne.
Par conséquent, les principes du Statut de Rome de la
Cour Pénale Internationale sont automatiquement
applicables en République Démocratique du Congo.
Néanmoins, la nécessité d'une loi d'harmonisation de
certains textes de notre droit interne trouve sa
justification dans le fait que, d'abord, le Statut de
Rome est un texte produit par des personnalités issues
de plusieurs familles et traditions juridiques,
ensuite, ce Statut a fortement innové dans le domaine
du droit pénal et du droit judiciaire.
Ainsi, sont concernés par
l'harmonisation:
Le Décret
du 30 janvier 1940 portant Code Pénal tel que modifié
et complété à ce jour.
L'Ordonnance-loi n°82-020 du 31
mars 1982 portant Code d'organisation et de la
compétence judiciaires.
Le Décret du 06 août 1959
portant code de procédure pénale tel que modifié et
complété à ce jour.
La loi n°023-2002 portant Code de
Justice militaire et la loi n°024-2002 du 18 novembre
2002 portant code judiciaire militaire .
A cet effet, l'exposé des motifs de ce projet de loi
nous renseigne sur les modifications majeures des
textes législatifs précités, notamment:
1. Concernant le Code pénal
Le projet de loi introduit de nouvelles infractions
telles les crimes de génocide, les crimes de guerre et
ceux contre l'humanité ainsi que certaines définitions
laissées jadis à la doctrine comme la notion
d'intention punissable.
Il introduit également plusieurs principes généraux
jusqu'à présent relevant de la doctrine.
Il s'agit
notamment des principes ci-après:
Le caractère
individuelle de la responsabilité pénale.
La légalité
des infractions et des peines.
Le caractère de stricte
interprétation de la loi pénale.
L'application de la
loi la plus favorable au prévenu en cas de conflit des loi.
La non rétroactivité de la loi pénale, le
principe "on bis in idem" et les motifs
d'exonération
de la responsabilité.
La majorité pénale passe à 18 ans révolus et
introduction de la répression à des peines identiques
des auteurs et leurs complices.
Le projet de loi consacre le principe du défaut de
pertinence de la qualité officielle du fait de la
suppression des privilèges et immunités dont
bénéficiaient certaines catégories des personnes en
raison de la qualité officielle dont elles étaient
revêtues pour des crimes relevant de la compétence de
la Cour Pénale Internationale.
Aussi, le projet offre plus de garanties d'une bonne
administration de la Justice par l'introduction des
infractions réprimant toute forme d'atteinte à la
bonne administration de la Justice et garantissant
l'indépendance du juge dans sa mission de dire le
droit.
Quant aux peines applicables, le statut de Rome
prévoit la condamnation à perpétuité parmi les peines
les plus lourdes alors qu'en droit congolais
actuellement en vigueur, la peine de mort constitue la
peine la plus grave.
Cette dernière pénalité
remplacera donc automatiquement la condamnation à
perpétuité que prévoit le Statut de Rome pour
sanctionner certaines infractions.
2. En ce qui concerne le code d'organisation et de
compétence judiciaires:
La Cour d'Appel est retenue comme juridiction
compétente au premier degré pour connaître les
infractions consacrées par le Statut de la Cour Pénale
Internationale et ce, quels que soient la qualité des
justiciables et les privilèges et immunités dont ils
seraient bénéficiaires.
A cet effet, la composition de la Cour est renforcée à
cinq juges au lieu de trois compte tenu de la gravité
des enjeux liés à la répression de ces infractions.
La Cour Suprême de Justice connaîtra de l'appel des
arrêts rendus par la Cour d'appel en vue de garantir
le respect du principe de double degré de juridiction
pour tout justiciable.
En ce qui concerne l'action publique.
Elle s'exercera
conjointement par le Procureur Général de la
République et le Procureur Général à l'égard des
crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et
des crimes de guerre.
Ce projet de loi introduit la possibilité pour les
juges militaires de statuer dans la composition
appelée à statuer en matière de poursuites exercées
contre des personnes en application des dispositions
du Statut de Rome.
Ainsi, le juge naturel du
justiciable militaire suit ce dernier et la
composition du siège de la Cour d'Appel ou de la Cour
Suprême de Justice intègre, dans cette hypothèse, un
magistrat militaire et juge militaire, pair et
supérieur du prévenu conformément au principe du droit
judiciaire militaire.
3. Pour le code de procédure pénale.
Ce projet de loi introduit des dispositions relatives
notamment aux droits de l'accusé et à la protection
des victimes ainsi qu'à la coopération entre les
juridictions congolaises et la dite Cour et son
Parquet.
A cet égard, cette coopération sera assurée
notamment en matière d'enquêtes, et de répression des
crimes relevant de la compétence de la Cour,
d'entraide judiciaire, d'arrestation et de remise des
personnes accusées ainsi que d'exécution des peines et
mesures prises par la Cour. Elle sera exclusivement
faite par le canal du Parquet Général de la République
en ce qui concerne l'ensemble des autorités
judiciaires nationales.
4. Quant au Code pénal militaire.
La considération des crimes de guerre, les crimes
contre l'humanité et le crime de génocide comme des
infractions de droit commun entraînant leur
introduction dans le Code pénal ordinaire, conduira en
conséquence à la suppression du Titre 5 du Code pénal
militaire consacré à ces crimes.
5. En ce qui concerne le Code judiciaire militaire.
Les juridictions militaires ne seront plus compétentes
pour connaître des crimes de guerre, des crimes contre
l'humanité et du crime de génocide, même lorsqu'ils
sont commis par des militaires, étant donné que ces
crimes sont devenus des infractions de droit commun
relevant de la compétence de la Cour d'Appel.
Il y aura également application des dispositions du
Code pénal militaire lorsque la juridiction ordinaire
est appelée à juger une personne justiciable de la
juridiction militaire.
Enfin, concernant l'application de cette loi dans
l'espace et dans le temps, il convient de retenir ce
qui suit:
A. L'application de cette loi dans l'espace est réglée
par la loi elle-même qui consacre le principe de
compétence universelle, car il est du devoir de chaque état de soumettre à sa juridiction pénale les
responsables des crimes internationaux.
B. En ce qui concerne l'application de cette loi dans
le temps, il y a lieu de lever une certaine équivoque
qui pourrait se créer dans l'interprétation du dernier
article de ce projet qui dispose, je cite:
"La présente
loi entre en vigueur 30 jours après sa publication au
Journal Officiel", fin de citation.
Certaines personnes pensent que seuls les violations
de cette loi qui interviendraient après son entrée en
vigueur seront poursuivies par les juridictions
congolaises du fait du principe de la légalité des
infractions et des peines.
Cette interprétation s'avère erronée. En effet, comme
précisé précédemment, la tradition moniste à la quelle
fait partie le droit congolais, veut qu'une fois
ratifié par l'Etat congolais, le Statut de Rome sur la
Cour pénale Internationale fasse partie de notre
arsenal juridique, et d'ailleurs, ce Statut est
supérieur à notre droit interne du fait de l'article
215 de la Constitution.
Ceci explique donc, qu'en ce qui concerne les
principes de fond édictés par le Statut de Rome de la
Cour Pénale Internationale, l'application de ce Projet
de loi doit prendre en compte les faits commis à
partir de l'entrée en vigueur du Statut de la Cour
Pénale Internationale, soit le premier juillet 2002.
Je vous remercie.
Maître Odya KALINDA
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