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Présentation Générale du Projet de Loi d'application du Statut de la Cour Pénale Internationale
Par
Maître Odya KALINDA, Vice-Ministre de la Justice 
à l'occasion d'un atelier organisé au début du mois de juin par la Coalition nationale pour la Cour Pénale Internationale.
Le Droit des femmes
Droit de la veuve sur l'héritage
Droit de garde des enfants
 
                                                   Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, distingués invités. 

C'est pour moi un grand honneur d'avoir été invitée par la coalition nationale pour la Cour Pénale Internationale à l’activité de ce jour. 
Il m'a été demandé de faire une présentation générale du projet de loi d'application du statut de la Cour Pénale Internationale.

 A cet effet, il est important de présenter préalablement la nécessité de ladite loi et de terminer par son application dans l'espace et dans le temps.
 En ce qui concerne la nécessité de cette loi, il convient de préciser d'abord que le statut de la Cour Pénale Internationale a été ratifié par la République Démocratique du Congo aux termes du Décret-loi n°13 du 30 mars 2002.
 Il s'agit donc d'un traité international régi par l'article 215 de la Constitution qui dispose que les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois. Il convient également de préciser que le Droit congolais est de tradition moniste. Ce qui signifie qu'une fois ratifiés, les traités et accords internationaux sont automatiquement incorporés dans le droit interne. Par conséquent, les principes du Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale sont automatiquement applicables en République Démocratique du Congo. 
Néanmoins, la nécessité d'une loi d'harmonisation de certains textes de notre droit interne trouve sa justification dans le fait que, d'abord, le Statut de Rome est un texte produit par des personnalités issues de plusieurs familles et traditions juridiques, ensuite, ce Statut a fortement innové dans le domaine du droit pénal et du droit judiciaire.
 
Ainsi, sont concernés par l'harmonisation:
Le Décret du 30 janvier 1940 portant Code Pénal tel que modifié et complété à ce jour. 
L'Ordonnance-loi n°82-020 du 31 mars 1982 portant Code d'organisation et de la compétence judiciaires.
Le Décret du 06 août 1959 portant code de procédure pénale tel que modifié et complété à ce jour.
La loi n°023-2002 portant Code de Justice militaire et la loi n°024-2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire . 

A cet effet, l'exposé des motifs de ce projet de loi nous renseigne sur les modifications majeures des textes législatifs précités, notamment: 
1. Concernant le Code pénal
 Le projet de loi introduit de nouvelles infractions telles les crimes de génocide, les crimes de guerre et ceux contre l'humanité ainsi que certaines définitions laissées jadis à la doctrine comme la notion d'intention punissable.
 Il introduit également plusieurs principes généraux jusqu'à présent relevant de la doctrine.
 Il s'agit notamment des principes ci-après:

 Le caractère individuelle de la responsabilité pénale.
 La légalité des infractions et des peines.
 Le caractère de stricte interprétation de la loi pénale.
 L'application de la loi la plus favorable au prévenu en cas de conflit des loi.
 La non rétroactivité de la loi pénale, le principe "on bis in idem" et les motifs d'exonération de la responsabilité. 
 La majorité pénale passe à 18 ans révolus et introduction de la répression à des peines identiques des auteurs et leurs complices.

 Le projet de loi consacre le principe du défaut de pertinence de la qualité officielle du fait de la suppression des privilèges et immunités dont bénéficiaient certaines catégories des personnes en raison de la qualité officielle dont elles étaient revêtues pour des crimes relevant de la compétence de la Cour Pénale Internationale. 

Aussi, le projet offre plus de garanties d'une bonne administration de la Justice par l'introduction des infractions réprimant toute forme d'atteinte à la bonne administration de la Justice et garantissant l'indépendance du juge dans sa mission de dire le droit. 
Quant aux peines applicables, le statut de Rome prévoit la condamnation à perpétuité parmi les peines les plus lourdes alors qu'en droit congolais actuellement en vigueur, la peine de mort constitue la peine la plus grave. 
Cette dernière pénalité remplacera donc automatiquement la condamnation à perpétuité que prévoit le Statut de Rome pour sanctionner certaines infractions.

 2. En ce qui concerne le code d'organisation et de compétence judiciaires: 
La Cour d'Appel est retenue comme juridiction compétente au premier degré pour connaître les infractions consacrées par le Statut de la Cour Pénale Internationale et ce, quels que soient la qualité des justiciables et les privilèges et immunités dont ils seraient bénéficiaires.
 A cet effet, la composition de la Cour est renforcée à cinq juges au lieu de trois compte tenu de la gravité des enjeux liés à la répression de ces infractions. 
La Cour Suprême de Justice connaîtra de l'appel des arrêts rendus par la Cour d'appel en vue de garantir le respect du principe de double degré de juridiction pour tout justiciable. 

En ce qui concerne l'action publique.
 Elle s'exercera conjointement par le Procureur Général de la République et le Procureur Général à l'égard des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre. 
Ce projet de loi introduit la possibilité pour les juges militaires de statuer dans la composition appelée à statuer en matière de poursuites exercées contre des personnes en application des dispositions du Statut de Rome. 
Ainsi, le juge naturel du justiciable militaire suit ce dernier et la composition du siège de la Cour d'Appel ou de la Cour Suprême de Justice intègre, dans cette hypothèse, un magistrat militaire et juge militaire, pair et supérieur du prévenu conformément au principe du droit judiciaire militaire. 
3. Pour le code de procédure pénale.
 Ce projet de loi introduit des dispositions relatives notamment aux droits de l'accusé et à la protection des victimes ainsi qu'à la coopération entre les juridictions congolaises et la dite Cour et son Parquet. 
A cet égard, cette coopération sera assurée notamment en matière d'enquêtes, et de répression des crimes relevant de la compétence de la Cour, d'entraide judiciaire, d'arrestation et de remise des personnes accusées ainsi que d'exécution des peines et mesures prises par la Cour. Elle sera exclusivement faite par le canal du Parquet Général de la République en ce qui concerne l'ensemble des autorités judiciaires nationales. 
4. Quant au Code pénal militaire. 
La considération des crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide comme des infractions de droit commun entraînant leur introduction dans le Code pénal ordinaire, conduira en conséquence à la suppression du Titre 5 du Code pénal militaire consacré à ces crimes. 
5. En ce qui concerne le Code judiciaire militaire.
Les juridictions militaires ne seront plus compétentes pour connaître des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et du crime de génocide, même lorsqu'ils sont commis par des militaires, étant donné que ces crimes sont devenus des infractions de droit commun relevant de la compétence de la Cour d'Appel. Il y aura également application des dispositions du Code pénal militaire lorsque la juridiction ordinaire est appelée à juger une personne justiciable de la juridiction militaire.
 Enfin, concernant l'application de cette loi dans l'espace et dans le temps, il convient de retenir ce qui suit: 
A. L'application de cette loi dans l'espace est réglée par la loi elle-même qui consacre le principe de compétence universelle, car il est du devoir de chaque état de soumettre à sa juridiction pénale les responsables des crimes internationaux.
 B. En ce qui concerne l'application de cette loi dans le temps, il y a lieu de lever une certaine équivoque qui pourrait se créer dans l'interprétation du dernier article de ce projet qui dispose, je cite:

"
La présente loi entre en vigueur 30 jours après sa publication au Journal Officiel", fin de citation. 

Certaines personnes pensent que seuls les violations de cette loi qui interviendraient après son entrée en vigueur seront poursuivies par les juridictions congolaises du fait du principe de la légalité des infractions et des peines. Cette interprétation s'avère erronée. En effet, comme précisé précédemment, la tradition moniste à la quelle fait partie le droit congolais, veut qu'une fois ratifié par l'Etat congolais, le Statut de Rome sur la Cour pénale Internationale fasse partie de notre arsenal juridique, et d'ailleurs, ce Statut est supérieur à notre droit interne du fait de l'article 215 de la Constitution. Ceci explique donc, qu'en ce qui concerne les principes de fond édictés par le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, l'application de ce Projet de loi doit prendre en compte les faits commis à partir de l'entrée en vigueur du Statut de la Cour Pénale Internationale, soit le premier juillet 2002. 

Je vous remercie. Maître Odya KALINDA