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Mais où sont encore les enfants ?
Les enfants de certaines écoles ne sont déjà plus des enfants
puisqu'ils doivent s'attendre à tout instant à se trouver en face
d'un acte de violence et pouvoir y répondre. Cela peut être
l'insulte, le racket, la taquinerie moqueuse, le harcèlement
et la menace avant d'arriver à la grande violence. Dans
l'enceinte de l'école, l'enfant retrouve ceux qui le menaçaient dans
la rue. A aucun instant, dans sa relation quotidienne, il n'a
l'occasion de recevoir ou de pratiquer la camaraderie tranquille,
les rapports pacifiques de générosité et d'échange. Avant l'âge de
14 ans, pour ces enfants, la violence est une relation naturelle et
inévitable de la vie sociale. Il n'y aucune échappatoire. Tous les
programmes de télévision font une large part à la violence et
certains soirs; il n'y a que bandits, brigands, policiers véreux ou
vertueux; toujours les acteurs de la violence sur un bord ou sur
l'autre de deux camps mal définis. Les enfants n'ont souvent aucune
autre représentation de la vie familiale ou sociale. L'école est de
moins en moins un lieu pour la trêve à cette violence. Les enseignants face à ces enfants ne peuvent pas avoir un abord naturel et sont amenés à menacer, sévir ou à céder. En fait, l'élève préfère toujours la relation avec des maîtres qui exigent l'effort selon des règles définies d'avance et respectées par tous. Il y a dans l'équipe enseignante des éducateurs qui ont l'expérience d'une pratique assurée, qui valorise l'effort de l'élève et lui permet de faire la preuve d'une certaine réussite. La condition est que toute l'équipe marche du même pas dans la même direction: Montrer à l'élève le respect et la considération. Après tout, l'école est le seul lieu où tout élève peut avoir un adulte important à ses yeux, qui écoute sa parole, lui parle avec courtoisie et lui donne de l'importance. Une telle relation dans un établissement peut donner au jeune une autre vision des rapports sociaux. Mais cette route est difficile et cela ne peut reposer sur les seules épaules des enseignants. Dans certains quartiers, pour certains groupes, les parents doivent être associés à l'éducation des enfants et se voir considérés par les enseignants comme des partenaires. Le plus souvent, ils sont tenus à l'écart de l'école et les enseignants leur montrent peu de considération comme s'ils n'étaient pas du même monde. Comme ils n'ont pas eux-mêmes fréquenté longtemps l'école, ils ignorent les codes et le mode d'emploi de la relation avec cette institution. Ils ne peuvent pas communiquer avec leurs enfants. En multipliant les occasions de présence des enfants et des parents à l'invitation de l'équipe enseignante, on peut créer un autre climat et dissiper une grande part de la méfiance réciproque de la mauvaise conscience et de la peur. C'est tout cela qui gâte le rapport enseignants-parents. Quand on aura fait un pas dans ce sens, et on le fait en certains lieux, on sera encore loin du but à atteindre. C'est qu'à la base de la délinquance scolaire et la délinquance qui touche les jeunes de quartier, il y a l'exclusion et le mépris de tout le corps social. La seule alternative à la délinquance, c'est une formation et la perspective assurée d'un emploi, clé de l'insertion sociale. L'école offre-t-elle encore cette perspective? Il reste que les enseignants sont pour un temps encore les plus proches et les plus accessibles pour ces jeunes. Tiendront-ils encore longtemps cette place si rien n'est changé ? |