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          Amazonie française  : Document                                  Balate: la détermination tranquille
Brigitte Wyngaarde
    Discours prononcé
au nom de la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane.
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   Faire l'inventaire d'une réalité culturelle heurtée par une Histoire trop souvent dévoyée par la face obscure de la modernité;aider à la prise de conscience de son peuple dans son être et son unité; faire face avec une détermination tranquille pour s'affirmer dans son espace géographique et sa culture à la fois préservée et ouverte au monde. C'est de cela que Brigitte Wyngaarde est en charge.

 

 

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Les enfants et les jeunes autochtones

Groupe de travail sur les populations autochtones, 18ème session

Palais des Nations Unies, Genève, juillet 2000

Brigitte Wyngaarde, de la Guyane française, au nom de la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane,
Madame la Présidente,
Mesdames, messieurs les délégués des organisations autochtones,
Mesdames, messieurs les représentants des Organisations gouvernementales,

En prenant possession de notre territoire, le colonisateur a choisi d’organiser l’espace, de construire, de réglementer selon ses normes propres. Il a introduit dans notre pays ses préoccupations morales, ses dispositions administratives, ses règles économiques et ses esclaves. Aux débuts de la colonisation, la Guyane française est considérée comme un espace vierge et malléable. Les amérindiens présents sur le territoire, pacifiques et peu nombreux, ne font pas l’objet de plus de considération que les autres éléments de la nature. De fait ils ne seront jamais associés aux choix ni aux décisions, d’autant que la politique de peuplement va progressivement les rendre minoritaires. La suppression de l’esclavage en 1848, la départementalisation en 1946, puis la décentralisation en 1982 vont progressivement permettre l’exercice d’une certaine forme de démocratie en Guyane. Mais cette démocratie s’exerce au sein d’une population hétérogène, dont les divers éléments ont des aspirations fondamentalement divergentes, et au sein de laquelle seul le groupe dominant créolo-européen, encore aujourd’hui, maîtrise les règles du jeu. Dans ce contexte, le système représentatif favorise l’exclusion des populations autochtones : parce que leur choix d’organisation sociale n’est jamais soumis au vote, parce que le principe de la majorité, s’il y avait un vote, ne lui laisserait aucune chance d’émerger. Car la Guyane française, qu’elle soit sous influence métropolitaine ou créole n’a jamais réellement admis qu’un seul modèle et qu’une seule loi pour tous, quitte à faire disparaître les Communautés autochtones, ainsi que les autres communautés minoritaires.
Les Communautés autochtones de Guyane ont résisté tant bien que mal à quatre cent ans de domination, de colonisation et d’assimilation forcée. Mais si nous avons su préserver l’essentiel de notre culture, l’érosion de nos savoirs, l’affaiblissement de nos institutions, l’incertitude jetée sur notre avenir sont indiscutables. Nos peuples souffrent depuis longtemps de leur confrontation sans fin avec la société dominante, qui poursuit inlassablement sa stratégie de domination. Dans cette confrontation, notre jeunesse est au premier rang.
L’enseignement public réglementé est un instrument de cette stratégie. La remise en cause de l’éducation traditionnelle s’opère en accaparant l’essentiel du temps d’éveil des enfants de l’âge de trois ans à l’âge de seize ans, soit sans prendre en compte le temps périscolaire : 27 heures par semaine à l’école élémentaire et 31 heures au collège. Il n’y a plus guère de place pour l’enseignement traditionnel, et l’enseignement des choses de la nature s’est considérablement amoindri. D’autre part l’enseignement public réglementé a volontairement marginalisé les langues autochtones, l’histoire des peuples autochtones, ainsi que les savoirs et savoir-faire traditionnels. Les jeunes amérindiens assimilent lentement et difficilement une culture importée de toutes pièces, alors que leur imaginaire leur renvoie l’image de peuples autochtones sans artistes, sans savants illustres, sans héros. Car pour l’état français l’histoire des peuples et son héritage présent, les langues et les cultures autochtones, au lieu d’être utilisées comme des chemins d’accès à la citoyenneté, sont toujours reléguées et abandonnées à l’attention de quelques ethnologues bienveillants.
Ce refus de prendre en compte la réalité autochtone ne se traduit pas seulement dans l’inadaptation des programmes scolaires. En particulier, le principe de la négation de l’entité communautaire et des institutions autochtones transparaît dans la plupart des réglementations appliquées en Guyane. Ainsi dans le droit comme dans la pratique administrative, on s’obstine à constituer les communautés en associations, on incite les amérindiens à la propriété individuelle, on interprète les chefs coutumiers comme des auxiliaires de l’administration, et on invoque la primauté du droit positif sur le droit coutumier.
Chez les jeunes, la dévalorisation de la culture et la perte de confiance en leur groupe communautaire se traduit par un profond refoulement du sentiment identitaire. Nombre d’entre eux finissent par trouver ridicule de revêtir un costume traditionnel, de pêcher pour se nourrir, de danser ou même parfois de participer aux tâches collectives de leur communauté. Beaucoup ne conçoivent plus leur culture que comme un ensemble de règles sans intérêt et de traditions désuètes.
Un autre instrument mis en œuvre dans cette stratégie de domination est la consécration de la société d’abondance et d’un mode de vie spécifiquement occidental, qui s’est constitué en idéologie et qui dévalorise l’image de la vie communautaire. Dans la société dite moderne, c’est l’offre qui suscite la demande. Les jeunes amérindiens, abreuvés des "bienfaits" et des extravagances d’une société où tout semble être dispensé à profusion (les biens et services, les média-cultures, les loisirs mais aussi les allocations et l’aide sociale), s’interrogent naturellement sur les facultés de leur monde communautaire à répondre à leurs nouveaux besoins. La jeunesse autochtone, massivement sollicitée par les opportunités proposées par cette société de consommation et d’assistance aura évidemment tendance à refouler son sentiment d’appartenance à sa Communauté d’origine et à son village, qui de toute évidence ne sont pas organisés pour répondre à ces besoins nouveaux, inspirés par les modes passagères et massivement médiatisés. Les jeunes autochtones, en proie comme tous les jeunes au désir d’identification, sont tentés de se tourner sans discernement vers le modèle le plus clinquant et les activités les plus rentables. Sans voir que ce modèle génère depuis toujours des milliers d’exclus.
Mais bientôt nous devrons faire face à un nouvel assaut, mené cette fois par les représentants du pouvoir local. De nouveaux enjeux se dessinent : par le contrat de plan, l’état français versera des milliards aux collectivités locales de Guyane. Parallèlement, il leur promet davantage d’autonomie. On veut nous faire croire que la Guyane serait enfin promise à un aménagement harmonieux, au développement économique, au progrès culturel et à la paix sociale. Mais nous savons parfaitement que derrière ces objectifs invoqués, les élus locaux de la Guyane, qui ne sont jamais des amérindiens, sont tout près d’obtenir de nouveaux moyens pour satisfaire leurs ambitions accessoires : prendre possession des espace de vie des populations autochtones, réduire tous les gens de Guyane en un seul peuple et toutes les cultures en une seule culture ; imposer définitivement un modèle politique et administratif importé de toutes pièces. Nos frères Wayanas, qui semblaient bénéficier d’une certaine protection liée à leur éloignement au fond des terres sont également menacés par la poussée des nouveaux conquérants, qui affluent de plus en plus nombreux à l’intérieur de leur espace de vie. L’orpaillage est un désastre pour la santé de leurs enfants, qui s’empoisonnent lentement au mercure. Il introduit un climat malsain où les relations sociales s’établissent par la force, par la menace et par l’argent. Il ne promet aucune richesse réelle, aucun développement durable. Ces pionniers ont obtenu la caution d’une grande partie de la classe politique locale qui prétend reprendre à son compte le butin colonial, et qui au faux prétexte d’aménagement du territoire, nourrit l’ambition d’intégrer le sud de la Guyane, de force, à un modèle "guyanais" dont on veut cacher les trop nombreuses défaillances.
Les communautés autochtones de Guyane, résolument, se mobilisent pour faire face à ce puissant assaut. Dans cette incertitude qui marque notre avenir, nous gardons espoir. Notre effort porte ses fruits, nous constatons chaque jour comment notre sentiment communautaire, notre coutume, notre culture, malgré les coups qui les ont affaiblis, sont encore vivaces. Le soutien à notre cause des plus hautes institutions internationales renforcent encore cet espoir. La convention n° 169 de l’Organisation Internationale du Travail porte une grande part de nos revendications. L’état français doit se résoudre à l’adopter et à admettre que les droits des peuples font plus que jamais partie des droits de l’homme.
Pour terminer ce discours, et à l’attention de M. le représentant de la République française, je souhaiterais insister sur quelques points qui nous paraissent essentiels dans leurs implications quotidiennes :
                                Il est nécessaire de donner aux villages autochtones de Guyane un vrai statut, de les reconnaître comme des entités urbaines ou rurales à part entière, de leur donner les moyens de prospérer, de repenser les politiques et les méthodes d’urbanisme et d’aménagement du territoire en conséquence ;
                               Il est nécessaire de prendre en compte notre droit et nos institutions autochtones, de reconnaître les Communautés autochtones comme des collectivités spécifiques ;
                               Il est nécessaire de repenser l’éducation nationale afin de dispenser aux jeunes un enseignement équilibré, dans le souci de ne pas substituer une culture à une autre ;
                               Il est urgent de faire cesser les intrusions sur l’espace de vie des populations autochtones, et l’empoisonnement lié à l’exploitation de l’or, et les menaces directes sur leur mode de vie ;
    
                                La sociodiversité est aux sociétés humaines ce que la biodiversité est à la nature, un atout pour l’avenir. Je suis convaincue que tant que l’insertion citoyenne ne passera pas par la pleine reconnaissance identitaire, aucune société ne pourra jamais tirer le meilleur parti de la richesse de sa jeunesse. Cette reconnaissance doit se faire dans le droit et dans la pratique administrative. Elle doit s’inscrire dans les mœurs politiques des nations modernes.
                        

           Au nom de la Fédération des Organisations Amérindiennes de Guyane,

       Brigitte Wyngaarde, Chef coutumier, communauté Arawak de Balaté

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