La violence conjugale est presque toujours celle d'un
homme à l'égard d'une femme. Cette violence conjugale est bien
spécifique. Elle n'est pas le fait d'un homme reconnu comme violent
dans son entourage, sa famille ou ses collègues de travail. La
bonne réputation est sa meilleure garantie qui le protège des
allégations et plaintes de sa victime. On entendra : - "Comment peut-on croire qu'un voisin aussi sympathique puisse être un mari violent?" - "La prétendue victime est affabulatrice, jalouse de la réputation de son mari." - "Elle est un peu dérangée, et c'est le mari qui est à plaindre." Une femme sur six est victime de violences physiques; est-ce croyable? Et toutes les violences confondues, le chiffre est bien plus considérable. Il y a des coups donnant lieu à des hospitalisations ou pas; il y a les homicides qui touchent particulièrement les femmes jeunes. Mais la violence faite à la compagne ou à l'épouse n'est pas seulement physique. Elle peut être psychologique; verbale quand le mari ridiculise sa femme en public ou en privé; quand il répond par l'ironie pour dénigrer ses préférence et ses goûts; quand il exige d'elle une certaine façon de s'habiller, de s'exprimer en public; quand il contrôle ses déplacements, ses fréquentations et ses dépenses personnelles. Cet homme n'est pas violent, mais il sait faire des blagues déplaisantes devant son auditoire familier. Il fera un chantage pour la contraindre à suivre ses recommandations et ses directives; il va contrarier un projet auquel tient sa femme. Lors des relations sexuelles, il peut exiger d'elle ce qu'il veut pour son plaisir et sa fantaisie sans tenir compte de l'avis de sa victime. |
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Si une femme qui lit cet article se trouve
dans une de ces situations, elle doit non seulement admettre qu'elle
est victime de la violence d'un homme, mais elle doit aussi se
persuader qu'il n'y a aucune raison pour que cette situation cesse
ou s'améliore. Un homme qui commence à se moquer de sa femme, à la
ridiculiser ou la brutaliser, n'a aucune raison de s'amender. Au
contraire, il a commencé ses provocations en privé; elle vont
continuer dans le cadre de la famille, dans un magasin ou en quelque
lieu public. Si elle tient à la compagnie de ses enfants, à un trait
particulier de leur éducation, à une relation proche avec sa
famille..., il va jouer sur ces points-là pour l'humilier. On cessera de s'étonner que la femme subisse longtemps ces brimades avant d'en parler ou de se révolter quand on pensera à toutes les raisons bonnes et mauvaises - toujours mauvaises- qui l'emprisonnent. (Voir l'article) Une autre raison importante tient au système social machiste lui-même qui "forme" garçons et filles dès l'adolescence à jouer chacun son rôle. Dans l'adolescence, parmi les personnages des groupes de jeunes, le fait d'avoir "sa fille" sur laquelle on a autorité est un argument de prestige. La fille elle-même veut plaire à "son gars", profite de sa notoriété, et va jouer le rôle qu'on attend d'elle, c'est à dire l'abandon de toute autonomie. Quand elle dira "non" à une décision ou une proposition qui lui est faite, il n'en sera pas tenu compte: le "Non" d'une fille ne compte pas. La responsabilité des parents dans l'éducation des filles en particulier est de leur donner confiance en elles-mêmes et de refuser tout système qui les place dès l'adolescence sous la coupe d'un garçon. Beaucoup de filles ont entendu le garçon qu'elles aiment leur dicter comme condition, leur façon de s'habiller, les gens à qui elles doivent parler et le type de relation qu'elle doivent avoir avec celui-ci ou celui-là. Mais il faut redire que le modèle est appris dès l'enfance au sein de la famille. Dans les familles où l'homme est dominateur et contraint la femme au silence, la fille est prête à l'obéissance docile et à la soumission dans le rôle qui était celui de sa mère. Au contraire, si dans la famille les rôles sont normalement équilibrés, devenue femme, la fille gardera son autonomie de personne raisonnable et ne laissera pas la direction de ses choix de vie à un homme dominateur. C'est que pour l'enfant et l'adolescent, la famille est le modèle social et le lieu des premiers apprentissages. |